
Assurance en péril en outre-mer
" La Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance (agéa), la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM), le président de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale et la présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer s’associent pour alerter les pouvoirs publics et les acteurs de l’assurance face aux difficultés croissantes d’assurabilité des biens des particuliers, des professionnels et des collectivités territoriales dans les territoires d’outre-mer. En effet, si les problèmes d’assurance et de réassurance dans ces territoires sont anciens, leur ampleur connaît aujourd’hui un virage inquiétant. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements climatiques extrêmes laisse planer un risque important de retrait des assureurs des marchés ultramarins. De plus, les assureurs font désormais preuve de prudence face aux situations d’émeutes, qui sont pourtant un phénomène ancien.
Ce mouvement, qui menace le développement économique de ces territoires, a déjà commencé. Plusieurs sociétés d’assurance ont limité considérablement la couverture des risques liés aux dommages aux biens en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles, en Guyane, à Mayotte et à La Réunion. Certains contrats sont résiliés, d’autres sont renouvelés avec des hausses tarifaires très significatives, ou via des avenants qui limitent la couverture des risques.
De plus, certaines activités économiques présentent en outre-mer rencontrent de grandes difficultés pour souscrire diverses assurances : responsabilité décennale des constructeurs, dommage-ouvrages pour les chantiers nouveaux, transport public de marchandise et de personnes, véhicules de plaisance, risques industriels lourds, etc.
La couverture en assurance multirisques habitation est également menacée, notamment pour les bâtiments proches du bord de mer. Ainsi, certaines sociétés d’assurance imposent des zones de 150 à 300 mètres à partir du rivage au sein desquelles les nouvelles souscriptions sont interdites. Quant aux contrats existants dans ces zones, une partie d’entre eux a été résiliée.
Ce retrait des assureurs dans les territoires d’outre-mer est par ailleurs étroitement lié aux conditions imposées par les réassureurs, c'est-à-dire l’assurance des assureurs, qui cherchent à limiter leur exposition aux risques naturels et sociaux. Par conséquent, les sociétés d’assurance se retrouvent obligées à leur tour de réduire leur exposition et de resserrer leur offre commerciale en outre-mer. Cette situation est préoccupante, d’autant que le secteur de la réassurance est peu régulé.
La première étape pour résoudre ce problème réside dans sa quantification. Les signataires de cette tribune s’étonnent du manque de données sur le taux d’assurance des biens des particuliers, des professionnels et des collectivités territoriales en outre-mer, y compris du côté des pouvoirs publics. Ils demandent donc au Gouvernement de lancer une mission interministérielle sur le sujet, notamment en lien avec les catastrophes naturelles et le risque d’émeute. La mission devrait par ailleurs s’intéresser à l’offre assurantielle disponible dans l’ensemble des collectivités ultramarines, aux conditions de réassurance, au taux de couverture assurantielle et aux moyens de mutualiser davantage le risque d’émeute sur le modèle éprouvé des catastrophes naturelles.
Le retrait des assureurs en outre-mer envoie un message désastreux auprès des habitants et des entrepreneurs locaux. D’abord, il fait peser un risque accru d’inassurabilité des biens et des territoires ultramarins. Ensuite, la raréfaction de l’offre assurantielle entraîne une augmentation des primes d’assurance, qui deviennent de moins en moins acceptables pour les 2,6 millions de Français et les 150 000 entreprises présents en outre-mer. Justement interpelé sur le sujet le 6 novembre 2024 à l’Assemblée nationale, Antoine Armand, alors ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, avait déclaré : « les assurances resteront présentes dans l’ensemble de nos territoires parce que la France est partout où elle doit être ». Il est donc admis que la situation nécessite une réaction urgente de la part des pouvoirs publics et des acteurs de l’assurance."
Signataires :
- Pascal Chapelon, président de la Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance (agéa).
- Hervé Mariton, ancien ministre, président de la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM).
- Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy et présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer.
- Davy Rimane, député de la 2e circonscription de Guyane et président de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale.